jeudi 24 avril 2008

De 7 à 77 ans !


A quoi jouent les enfants du 21e siècle ?

Ou comment me donner un sérieux coup de vieux avec juste une question … -_-”
(Hum ! Je vais sur mes 27 ans alors camembert !)

A l’ère du tout numérique, de l’électronique et de tout le fatras vidéoludique que deviennent nos jeux d’enfants du bon vieux temps, d’autrefois, de naguère, de jadis, d’il était une fois, de once upon a time

Je me doute bien que tous les enfants d’aujourd’hui ne jouent pas nécessairement aux mêmes jeux, tout comme quand j’étais petit, les distractions étaient fonction du niveau social dans lequel j’évoluais.

J’ai passé mon enfance entre chez mes grands-parents la semaine, et mes parents le week-end, scolarité oblige, à Alger dans les deux cas, mais pour le premier dans une cité dite populaire, dans le second dans une autre à kouba : Cité Ben Omar, réservée aux universitaires nationaux et étrangers, loin de moi l’opposition roturiens/bourges mais ce n’était pas tout à fait pareil comme univers.

Mes grands-parents résident à la Cité Malki, à cheval entre Ben Aknoun et Hydra, deux hauts lieux du Hype made in Algeria, la cité Malki est donc une presque-île qui fait tampon du fait qu’elle compte en son sain des résidents de revenus très modestes, tendance famille nombreuse, pris en sandwich entre les overthunés limitrophes.

En soi, c’est donc une cité populaire mais très éloignée des clichés d’hyperviolence et de pauvreté qui accompagnent ce genre de dénomination.

Etant scolarisé tout près, il est évident que mes copains d’enfance y soient en majorité, et donc après les cours on se refaisait une récré à rallonge.

Je ne sais pas quelles lois cosmiques les régissait mais il y avait une saison pour tel ou tel jeu qui revenait l’année suivante à la même période sans qu’il n’y ait un effet d’annonce ou une concertation au préalable : la semaine-ci on jouait à ceci, je reviens après le week-end on joue à ça ! Gnè ? O_o

Evidemment, parties de foot toute l’année.

L’un de mes deux jeux favoris était :

El bouchounate

Littéralement : les bouchons.

Nous dispostions d’une rampe horizontale en béton à notre hauteur qui devait faire dans les 20 cm d’épaisseur et sur lequelle nous faisions avancer à coup de pichenettes des bouchons en métal de limonade de la marque Hamoud Boualem ou apparentés (Kerrouche).

Principe : Depuis une ligne de départ, à tour de rôle, chacun faisait avancer son bouchon le plus loin possible sans le faire tomber de la rampe, en essayant de faire tomber le bouchon de son adversaire, tout en essayant d’éviter la case prison (Habs) sinon mieux caler son bouchon pile sur la case Guitoune (Tente) pour avoir le droit de rejouer un tour immédiatement. Le but étant de franchir la ligne d’arrivée en premier puis refaire le chemin inverse, le gagnant est celui qui repasse la ligne de départ une seconde fois.

Pour se donner plus de chance de gagner il fallait tuner son bouchon !

D’abord le lester, oui mais par quoi ?

Deux solutions :

  • La pelure d’orange trouvée le plus souvent par terre ! Oui c’est pas très hygiènique, c’est vrai, mais Bush et son armée de tartuffes peuvent aller se rhabiller devant le système immunitaire qu’on se trimballait ! ^^

Je disais une pelure d’orange, donc. Simple : suffisait d’imprimer le ventre du bouchon sur le verso de la pelure pour avoir un moulage parfait, vous voilà avec un bouchon bien lesté paré pour la compet’.
Incovénient : Accessoire éphémère, ben oui, une peau d’orange ça se dessèche donc s’allège et se rétrécit, vous êtes bons pour en reconfectionner un autre. :(

  • Le must ! L’opercule des bouteilles 1.5L d’eau minérale Saïda. Bon là, un petit rappel anatomique s’impose : Une fois que vous dévissiez le bouchon Saïda vous aviez une sorte de capsule en plastique transparent qui protégeait le goulot.

Je ne sais pas par quel hasard du dessin industriel, ou pur génie de la coopération commerciale, mais la capsule Saïda s’emboitait parfaitement dans le bouchon Hamoud, Amen !

Autre astuce pour finir : décaper la peinture au dos du bouchon pour une meilleure glisse.

Avec ça vous avez la Ferrari des bouchons, une vraie machine à succès pour peu que votre pouce et majeur soient bien rôdés pour les pichenettes qui vous conduiront vers la gloire.

J’y jouais à la Cité Malki seulement, il est impensable de voir des gosses récupérer des pelures d’oranges pleines de terre et des bouchons de limonnade par terre à Ben Omar ! ^^”

Les billes (Li pouce)

Un grand classique avec différentes règles pour y jouer.

Voyons d’abord l’aire de jeu :

L’idéal était une surface plus ou moins régulière et plane de terre battue sans cailloux pour gêner les trajectoires et envoyer valdinguer votre bille au loin, et ne pas abimer votre bille (qui est en verre) puisque les billes de vos adversaires se chargeront bien volontiers de cette gentille attention.

Personnellement je ne connais que deux façons d’y jouer à deux ou à plusieurs :

  • Bèze (Ah ! L’innocence enfantine !) : La plus simple, dernière une ligne commune, à tour de rôle, essayer de faire tomber sa bille dans un trou intelligeamment appelé Trou pour pouvoir donner la chasse aux autres billes, celle qui est touchée est hors course.

Version pratiquée à Ben Omar, très rarement à la Cité Malki parce que considérée comme chiante, et je suis assez d’accord avec eux. :P

  • Trou chermah : Trou pour la fonction sus-citée et Chermah pour l’action du chassé qui doit aller planquer sa bille quelque part sur l’aire de jeu tandis que le chasseur est censé l’atteindre depuis le trou.

Exclusivement jouée à la Cité Malki, désespérément vouée au désintérêt quand j’essayais de l’importer à Ben Omar.

Chkara-Bouchounate

Un autre jeu qui a grandement contribué à l’édification d’une défense immunitaire quasi-infranchissable, jugez-en : xD

Le terme Chkara désigne un sachet généralement en plastique, en l’occurrence un sachet de lait généreusement balancé sur la voie publique depuis le balcon de la gentille ménagère qui l’a vidé dans sa casserole.

Il fallait rembourrer le sachet par du papier, qu’à cela ne tienne, des feuilles de journaux abandonnés sur la voie publique feront l’affaire.

Maintenant que notre sachet est bien garni en papier il faut le fermer par n’importe quelle attache : un vieux lacet de chaussure, un bout de corde ou un morceau de tissu feront l’affaire, tous à notre portée pour peu qu’on se donne la peine de se pencher pour les ramasser.

Voici notre balle fin prête !

Maintenant les bouchounate, qui devraient être familiers pour les lecteurs attentifs puisque ce ne sont rien d’autre que nos fameux bouchons métalliques de limonade : une dizaine à dénicher et la partie peut commencer.

Le principe : ça se joue à plusieurs, un joueur est désigné ou se porte volontaire pour être le chasseur, il se tient dos au mur, bouchons empilés les uns sur les autres entre ses pieds écartés, un par un les autres joueur essaient de faire s’écrouler les bouchons ce qui donne le signal de départ de la chasse. Le chasseur doit toucher les autres joueurs avec la balle pour les mettre hors jeu, mais gare à lui s’il s’éloigne de ses précieux bouchons puisque dès qu’il a le dos tourné les autres joueurs tentent de les réempiler, s’ils y arrivent il est bon pour une autre partie à courir après tout le monde. Le chasseur gagne une fois qu’il a touché tous les joueurs … enfin je dis toucher mais c’est plus flinguer vu comment la balle est lancée sur le malheureux dos du poursuivi, heureusement la balle est en papier ! ^^
Une fois tout le monde hors course, c’est le premier touché lors de la précédente partie qui tient le rôle du chasseur.

Ce jeu est absolument inconnu à Ben Omar, je n’ai même pas essayé d’y initier mes amis de là bas pour la simple et bonne raison qu’à Ben Omar il n’y a que de la pelouse et des pavés par terre, ni sachets de lait vides, ni papier journal, ni vieux bouts de corde ni bouchons, accessoires dont le sol de la cité Malki est fertile. :)
En revanche, à Ben Omar il y a des ballons, de vrais ceux-là, qui lorsqu’ils ne sont pas impliqués dans une partie de foot revêtent le costume de maton pour le jeu qui s’apparente à Chkara-Bouchounate dénommé : Ballon prisonnier, qui se joue balle au pied, sans bouchons à dézinguer et réempiler … un peu triste :/

La toupie (ezrabet)

Un autre classique.

Version Ben Omar : Faire tourner sa toupie.

Version cité Malki : Combat de toupies à pleine vitesse, ou fracasser une malheureuse toupie inerte à coup de toupies lancées à pleine force.
Hum ! Pour le coup je préférais la version Ben Omar …v_v

Les cerceaux (Sirsou)

Vous vous rappellez la défense immunitaire blablabla ? Eh ben là c’est pareil ! :D

Dénicher ici ou là un bout de tuyau orange qui sert de gaine protection aux installations électriques, assez long pour pouvoir en faire un anneau d’à peu près 50 cm de diamètre en reliant ses deux extrémités emboitées sur un bout de bois taillé sur mesure.
Ensuite dégotter un Selk qui est une baguette en fer ni trop souple ni trop dur pour en faire une sorte de bâton de ski mais dont l’extrémité est recourbée en U horizontal destiné à recueillir l’anneau du tuyau en plastique.

Le bâton sert à pousser et guider l’anneau qui fait office de roue, le but étant tout simplement de déambuler partout avec … oui ça ne rime à rien mais c’était très amusant ! >.<

Pour pouvoir y jouer il fallait qu'il y ait des chantiers à proximité pour pouvoir dénicher les différents accessoires, ce qui n'était pas difficile à trouver à la cité Malki, mais inexistant à Ben Omar.

Les noyaux (Dinoyo)

Le jeu-phare de l’été, pourquoi ?
Parce qu’il faut des abricots pour y jouer ! :)

Des noyaux d’abricots plus précisément, qu’il faut patiemment collecter (j’en ai eu à un moment donné plus de 400), le principe étant semblable à la pétanque, sauf que le gagnant s’empare de tous les noyaux en jeu, ce qui parfois signe la banqueroute du perdant qui n’a plus qu’à s’empiffrer d’abricot et rebâtir sa fortune nucléaire.

Il était joué aussi bien à la cité Malki qu’à Ben Omar, mais l’ambiance de jeu à la cité Malki était incomparable ! ;)

Le vélo (el vilou)

Difficile de monter un vélo avec de la récup’ (quoique ! ^^), dès qu’il s’agit d’un jeu où il faut un produit manufacturé et fini la cité Malki déclare forfait, c’est donc le loisir-roi à Ben Omar en période estivale, nous avions tous notre vélo. Mon premier fut un tricycle rouge puis un increvable Cinzia bleu, et enfin le vélo de mes rêves : un BMX !

Nous étions parfois une bande d’une dizaine de cyclistes en culotte courte à jouer à la brigade de police motorisée, aux policiers et aux voleurs, à faire une course ou tout simplement en promenade, ah ! Que de tours de roues et que de gadins ! ^^

Image d’épinal malheureusement impensable à la cité Malki, parce qu’il faut deux choses pour un vélo : de l’argent pour l’acheter et de la place pour le ranger, combinez ces deux facteurs avec les inconnues nombre d’enfants à charge et mètres carrés logeables et vous saurez pourquoi les cerceaux étaient très amusants à jouer !

Les rares vélos en circulation à la cité Malki devaient nécessairement composer avec les inévitables “Ara tourna !”, “Laisse-moi faire un tour avec !” des copains-piétons qui, pour conjurer un éventuel refus de prêt, invoquent illico la sacro-sainte amitié qui vous lie à lui et l’énorme service qu’il vous a rendu l’autre fois et dont vous ne vous rappellez jamais comme par hasard, peut être parce que tout juste inventée … -_-”

Jeux de société

Monopoly, échecs, jeu de l’oie, scrabble et autres, merveilleux souvenirs des journées caniculaires d’été, l’aprés-midi vers 14-15h dans la fraicheur de la cage d’escalier de mon immeuble à Ben Omar.

A la cité Malki rien de tout ça, Ah si ! le morpion et le jeu de dames artisanaux … Vous avez dit bouchounate ?

Jeux dangereux

Là ça ne rigole plus, exit les mioches chouineurs fils à maman, place aux kamikaz hauts comme trois pommes ! xD

Pyrotechnie, produits chimiques et détonnants

Quel est le rapport entre une allumette, un clou, et une batterie de voiture ? Ou la variante avec une bougie d’allumage auto et une planche de bois ?

A priori aucun, à priori seulement, héhé !

Trouver une batterie de voiture déglinguée à la cité Malki est chose aisée, une fois désossée on récupère la grille de plomb qu’on fait fondre au feu et la modeler en un cylindre qui ressemble à un manche de tournevis, en ménageant dans son épaisseur (là où normalement le bras du tournevis se loge) un trou assez grand pour accueillir un cou de 10 cm.
Piquer une boite d’allumettes dans sa cuisine et récupérer le soufre au bout des bâtons. Mettre le soufre dans le cylindre en plomb, insérer le clou, puis cogner contre une surface dure : PAN !!!
Avec une bougie d’allumage, en ramasser une par terre, désinsérer la tête de la bougie du reste, la fixer au bout d’une petite planche de bois qui sert de manche, mettre le soufre, le clou, taper : PAN !!!

Jeux de mains, jeux pas malins

Khadidja : Non ce n’est pas le nom de mon amoureuse de l’époque, mais un jeu très marrant auquel je prenais le risque de jouer contrairement à celui qui va le suivre.
Dans Khadidja il est interdit de parler français, sauf si le mot en français est immédiatement suivi de Khadidja, un peu comme acques a dit, qu’est-ce qu’il se passe donc si on transgresse cette règle ?
Bonté divine, la raclée qu’on se prend ! T_T

Tant qu’on est concentré sur le jeu, c’est très amusant de glisser un mot en français suivi de Khadidja, c’est un peu comme jouer avec le feu, avec la montée d’adrénaline sachant qu’on vient d’échapper à un Finish Him “Mortal Kombasque”, et le plaisir de lire la frustration sur le visage de ses copains qui n’ont pas eu suffisament de temps pour vous coller un pain, ah quelle rigolade !
Mais si vous êtes déconcentrés …
Parce qu’il faut savoir que Khadidja ne se joue pas en 10 minutes un quart d’heure, non non non non !
C’est minimum une heure, voire toute l’aprem, et forcément quand on joue en même temps à autre chose il est facile de laisser échapper un mot en roumia, en français, surtout que notre langue en est truffée, et là il n’y aura que la pluie de coups en tout genre qui viendra vous rappeler votre partie de Khadidja débutée un peu plus tôt, enfin des fois on met un peu de temps pour s’en rappeller, c’est pas toujours évident de l’avoir à l’esprit quand un poing vient masquer la lumière du jour ! ^^”

TabTab : Littéralement frapper à la porte, ils n’ont pas cherché bien loin n’est-ce pas ? :P
Exclusivement réservé aux soirées du ramadhan et exclusivement joué autour du bâtiment H, le plus grand bâtiment de la cité Malki abritant la composante la plus pauvre de ses résidents, dont les enfants sont craints par les autres enfants des bâtiments K, I et J.
Je ne sais rien de plus sur ce jeu, je n’y ai jamais joué, d’abord parce qu’il me faisait peur en lui même un peu comme du Ultimate Fighting comme on en voit à la télé, ensuite fallait se rendre au bâtiment H pour y jouer, et de nuit de surcroît, Hého, pas folle la guêpe ! O_O”

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Voilà ce à quoi je m’amusais étant gosse ! :)

Je me considère extrêmement chanceux d’avoir vécu dans les deux ambiances, et si je devais n’en choisir qu’une seule ça serait les yeux fermées l’ambiance cité Malki où la débrouillardise, l’imagination et les frontières de l’interdit sont reines.

Je me demande à quoi je jouerai si j’étais né 15-20 ans plus tard …

2 commentaires:

Laennec a dit…

ça me fait de très beaux souvenirs tout ça!
merci bcp ^^

Anonyme a dit…

:-D
Merci pour le flashback revivifiant :-)

"enfin je dis toucher mais c’est plus flinguer vu comment la balle est lancée sur le malheureux dos du poursuivi, heureusement la balle est en papier !"

Ça c'est version cité Malki. Pour nous c'était une balle de Tennis et des fragments de briques pour la pile !
Eh oui y a pas qu'au Sahara qu'on trouve des hommes bleus ;-)